Ces derniers mois, j’ai pu expérimenter avec beaucoup d’intensité ce concept si cher à Patanjali que l’on appelle le détachement. Je vous raconte ?
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Il y a bientôt 3 semaines, je quittais pour de bon ma jolie maison de Claix pour revenir à une vie de citadine. Un sacré changement de vie.
On la voulait cette maison. On l’avait cherché ce calme. Je me souviens encore de ma première nuit là-bas. Plus de sirène, de klaxon ou de pneus qui crissent. PLUS UN BRUIT, pas une lumière. Et ces étoiles…
Et puis on accédait à un luxe: l’espace. Une salle de répèt’, un dressing, un grand jardin, un potager, une piscine. Comment ne pas aimer cette vie de rêve? Alors oui, je l’aimais, cette vie.
Et puis avec le temps, tout ce que j’aimais de cette vie s’est doucement étiolé. La piscine, le dressing, le grand salon tout équipé, c’était quoi? Des possessions matérielles. Un confort de vie certes, mais qui était plutôt devenu un faire valoir aux yeux des autres que mon véritable bonheur.
Cette vie de rêve, c’était une façade. Une image qu’il m’était facile de renvoyer. Mais depuis longtemps, elle ne me correspondait plus.
Alors j’ai décidé d’en changer.
Et me voilà en plein centre de Grenoble, dans un appart’ que je partage avec 5 autres collocs’. Pourtant, j’avais depuis longtemps décidé que la colloc’, c’était vraiment pas pour moi… Mais comme on dit, les cons, ceux qui changent pas d’avis, tout ça tout ça.
Il y a du bruit ici. Beaucoup de bruit. Le tram, les voitures, les gens qui causent fort, ceux qui hurlent en sortant des bars. Mais je m’en fous. J’y suis bien. Tout ce que j’avais fuis jusqu’ici, je le retrouve enfin. Et j’aime cette nouvelle vie.
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Mais passer d’une grande maison à une chambre de quelques mètres carré, ça pose quand même une problématique de taille. Alors de deux choses l’une, soit t’es un vrai champion de l’orga et du tétris, soit tu te résous à te séparer de la plupart de tes possessions. Oui parce que, clairement, l’option « tu payes pour entreposer tes affaires dont tu te serviras peut-être jamais », c’était pas une option, justement.
Alors j’ai choisi. Choisi d’appliquer l’un des bons vieux principes que l’on retrouve dans les Yoga Sutra: le détachement. Vairâgyâbhyâm. Prendre de la distance par rapport aux choses. Apprendre à ne plus en être l’esclave; savoir s’en détacher. Cela vaut pour tout. Tant les objets que les émotions, les pensées ou encore les individus.
Ici, on va plutôt s’intéresser aux possessions matérielles. Mais il est évident que tout est lié. Apprendre à se détacher du matériel n’est qu’un début.
En Viniyoga, Claude Maréchal donne une définition encore plus précise du détachement.
Se détacher, c’est reconnaître ce qui produit l’agitation et la confusion et à y mettre fin par l’élimination du contact avec ces expériences indésirables.
Mais vous allez me dire, ça va loin quand même leur truc. « Ce qui produit l’agitation et la confusion ». Si l’on parle d’une robe ou d’un bouquin, faudrait voir à se détendre un peu sur la question! Le terme « agitation » paraît totalement disproportionné.
Mais en y regardant de plus près, prenons par exemple ce bouquin de physique quantique que l’on se traîne de déménagements en déménagements sans l’avoir jamais ouvert. Pourquoi on le garde alors? Parce qu’on se dit qu’un jour ça nous servira peut-être? Bullshit. Alors est-ce que ce ne serait pas simplement pour montrer à celui qui nous l’a offert qu’on l’a toujours, ou aux copains qui viennent qu’on est super fort et intelligent et qu’on a tout bitté à la physique quantique.
Exemple extrême certes, mais à méditer 😉
Pour ma part, il s’agit clairement de me séparer d’une grande partie de ma vie que j’ai accumulée et baladée de chez mes parents à Paris, de Paris à Paris, puis à Montrouge, puis à Noisy, puis retour chez mes parents puis Grenoble, puis re-Grenoble, re-re-Grenoble puis Claix puis enfin re-re-reGrenoble. Et ça fait 10 ans que ça dure.
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Alors, c’est en yogini motivée et avide d’apprendre de cette épreuve que je me suis lancée dans un ménage de printemps sans précédent.
Se détacher, mais par où commencer ?
Entre les choses qu’on aime mais qu’on n’utilise jamais;
celles qu’on nous a offertes, qu’on n’aime pas vraiment mais on se dit que le bad karma risque de nous tomber sur le coin de la tronche si on s’en débarrasse;
celles dont on se dit toujours que « ça peut servir un jour » et qu’on risque de le regretter si on s’en sépare maintenant;
et j’en passe…
Mais qu’est-ce qu’il y a derrière tout ça ? Des émotions. La plupart de ces objets, des livres aux fringues en passant par l’appareil à raclette, au-delà du fait que ce soit pratique (surtout la raclette!), ils ont tous leur petite histoire.
J’ai alors compris que le seul moyen de faire le vide, c’était aussi d’apprendre à mettre de côté mes émotions et d’appréhender chaque objet avec un œil tout neuf. Et ça pour moi, si vous avez lu l’article sur la gestion des émotions, c’est un sacré challenge !
Alors j’ai trié. J’ai vidé. J’ai donné.
Mais il y en avait encore trop. Du coup j’ai repris ce que j’avais gardé, et j’ai trié à nouveau. Re-vidé. Re-donné.
Plus je triais, plus j’avais l’impression de m’alléger. Comme si l’espace que je créais autour de moi me permettait d’avoir les idées plus claires. Et je suis prête à parier que certains d’entre vous ont déjà eu cette sensation aussi… non? 🙂
Ce tri par le vide, c’est aussi un symbole. Le symbole d’une vie d’avant qui n’est plus. Pas seulement ma vie de ces dernières années. Mais bien toute ma vie d’avant. Tout ce que je traînais derrière moi, tout un tas d’émotions, de sentiments négatifs.Tout ça devait s’envoler si je voulais continuer à avancer.
Alors quand j’hésitais à me séparer d’un objet, je repensais à tout ce que je ne voulais plus être, et surtout à tout ce que je voulais devenir.
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« Le détachement, ce n’est pas rien posséder. C’est faire en sorte que rien ne te possède. »
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Je me rappelais aussi sans cesse ce fameux principe minimaliste qui prône le détachement du matériel et atteste que nous pouvons tous vivre décemment avec seulement 100 objets.
Honnêtement, je pense que j’en suis encore loin!
Et puis j’ai pensé pratique. Si je suis bien dans ce nouvel appart’, la vie fait que je vais devoir le quitter d’ici le 1er Avril. Les aléas de la sous-loc…
Où que j’aille (je n’en ai encore aucune foutue idée), je veux être légère.
A l’heure où j’écris, je pense avoir plutôt bien réussi l’épreuve du détachement. Dans ma chambre, j’ai essayé de garder l’essentiel. Mes robes préférés, les livres que j’adore, quelques dvds, des crayons de couleurs, mon ordi, ma guitare et mon tapis de yoga, évidemment.
Mais cela va de soi, rien n’est acquis. Si ce tri était nécessaire, c’est tous les jours que la pratique du détachement doit se faire.
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Enfin, attention! L’idée n’est pas non plus de tomber dans un autre extrême! Pratiquer le détachement, ce n’est pas virer systématiquement tout ce que l’on a et se débarrasser sans état d’âme de tout ce qui a fait notre vie.
Et c’est peut-être ça le plus difficile. Savoir où mettre le curseur. Bien sûr que cette poupée d’Afrique que j’ai depuis toute petite, elle ne m’est pas utile. Bien sûr qu’elle a une très grande valeur sentimentale à mes yeux. Mais je ne la sors jamais, elle reste dans une boîte et je ne la retrouve qu’aux déménagements. A quoi bon la garder alors? En mettant mes émotions de côté, je pourrais simplement m’en séparer. Mais franchement, est-ce que j’en ai envie? Pas du tout. Pourquoi? C’est comme ça.
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Pratiquer le détachement, cela fait partie de notre chemin de yogi. Notre chemin vers une vie meilleure. Moins polluée par les possessions, les relations malsaines ou les pensées négatives. Mais on est d’accord, c’est compliqué.
Mais tout est là, justement. Dans le fait que ce soit une véritable épreuve. Je crois que c’est comme ça qu’on apprend vraiment, qu’on grandit.
Apprendre à se détacher d’un objet, d’une émotion négative que l’on traîne depuis des années (rancune, jalousie etc.), d’une personne (de celles qui nous font finalement plus de mal que de bien), ou encore de l’image de soi que l’on renvoie aux autres etc. c’est idem pour moi. Tout aussi compliqué, tout aussi salutaire. Et ça prend du temps.
J’ai mis 3 mois. 3 mois pour faire le deuil de cette ancienne vie, de cette ancienne moi, aussi.
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Et vous, vous êtes plutôt accumulateurs ou trieurs compulsifs ? Elle se manifeste comment votre pratique du détachement ?
Cet article a 4 commentaires
Super article Emilie 🙂
Ca me rappelle que ça fait un bail que je dois faire le tri et que des caisses traînent et s’accumulent dans un coin … voire plutôt au milieu de la pièce … Et j’ai toujours la bonne excuse « j’ai pas le temps … ». Vais m’y mettre tiens …
bises
Merci Eve-Anne 🙂 Et bon courage alors! Bises et à bientôt
Je me dit souvent qu’il faut que je fasse le tri par le vide mais en effet je garde toujours des petites choses « au cas où » et quand c’est surtout sentimental… Mais ça reste au fond du carton. Peut-être devrai-je me détacher car je suis assez matérialiste. Je penserai à ton article au prochain rangement et j’essayerai de faire un VRAI tri.
Merci pour cet article 🙂
Ne te blâme d’être matérialiste, on l’est tous un peu je pense! Ce qui compte, c’est d’en prendre conscience et de faire le chemin (si l’on en a envie) qui amène au détachement. Mais, encore une fois, c’est un chemin semé d’embûches! Pour ma part, je me suis rendue compte que, si les débuts avaient été difficiles, plus je parvenais à me détacher de certaines choses, plus le reste devenait facile. Comme un déclic 🙂 En tout cas si tu t’y mets un jour, je te souhaite plein de force et de courage! A bientôt!